Gare à la charge administrative supplémentaire !

Le processus aura été long, mais le Royaume-Uni a fini par quitter l’Union européenne (UE) le 31 janvier 2020. D’innombrables négociations ont précédé l’accord final fixant toutes les règles et dispositions du nouveau partenariat. L’accord est d’application depuis le 1er janvier de cette année, mais à partir de l’été 2021 nombre d’échanges seront encore plus strictement encadrés.

Auparavant, aucun des États membres de l’UE n’avait le droit d’imposer sur les marchandises provenant d’autres États membres des taxes plus élevées qu’elles ne l’étaient pour des produits nationaux similaires (article 110 du Traité sur le fonctionnement de l’UE). Il était donc impossible de taxer des produits d’autres États membres en espérant protéger indirectement sa production propre. Aujourd’hui, cette mesure appartient au passé. La liberté de circulation des marchandises avec le Royaume-Uni n’a plus cours. Des droits d’importation et d’exportation sont désormais imposés dans les deux sens.

Pour le secteur de l’horlogerie et de la bijouterie, l’impact sur le commerce en ligne est particulièrement net. Le Royaume-Uni pourrait-il devenir un concurrent gênant, incitant les particuliers à faire leurs achats outre-Manche ? Le commerce en ligne du Royaume-Uni pourrait-il assombrir le commerce national de ce côté-ci de la Manche ? Le fait est que le Brexit impacte déjà tous les envois vers le UK ou en provenance de l’Angleterre, de l’Écosse et du Pays de Galles. En ce qui concerne l’Irlande et l’Irlande du Nord, rien ne change. Depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni est traité exactement comme les États-Unis, la Chine ou l’Australie.

Tout client qui y commande un produit d’un prix supérieur à 22 euros doit s’acquitter de la TVA belge sur cet article. À partir de cet été, la TVA belge sera obligatoire sur tous les produits commandés en ligne, autrement dit à partir de… 0 euro. Cela s’applique aussi à toutes les commandes provenant des autres pays non-membres de l’UE. Les envois d’une valeur supérieure à 150 euros seront en sus soumis à des droits d’importation.

Pour la joaillerie et la bijouterie, les droits d’importation vont de 0 à 4 % ; la TVA reste, bien sûr, de 21 %. Pour les montres, les droits d’importation sont fixés à 4,5 %, à quoi il faut ajouter la TVA de 21 %. Le calcul est le suivant : achat + frais d’expédition + frais d’assurance éventuels = base des droits d’importation. La somme est majorée de la TVA de 21 %. Le facteur ou le coursier qui livre le colis depuis le Royaume-Uni collecte la TVA et les droits d’importation dus. Actuellement, un certain nombre de boutiques en ligne excluent (momentanément ?) les clients belges en tant que consommateurs européens. Par conséquent, une rude concurrence ne pose pas problème.

Exportations belges vers le UK

Celui qui souhaite commercer avec des clients situés au Royaume-Uni doit tenir compte de certaines conditions et remplir des documents supplémentaires. Par vente ou commerce professionnel, on entend :

  • Vente via une boutique propre en ligne (web- ou e-shop)
  • Vente via une place de marché (marketplace) en ligne
  • Vente directe (par ex. via appel téléphonique ou e-mail)

Soyez particulièrement attentif au transport, aux documents d’exportation, à la douane et à la TVA, autant d’éléments touchés par le Brexit et qui ne vont pas sans formalités administratives supplémentaires. Voici, en résumé, quatre points essentiels à garder à l’esprit :

  • Government Gateway ID (« HMRC » = HM Revenue and Customs) – code chiffré.
  • Numéro de TVA pour le Royaume-Uni (« UK VAT ») – Depuis le Brexit, il n’est plus possible de bénéficier de l’exonération de la TVA pour les livraisons intracommunautaires (annexe 46 de la déclaration de TVA). Si la valeur des marchandises ne dépasse pas 135 £, la TVA britannique doit être facturée, mais aucune taxe d’importation ne s’applique. Si la valeur dépasse 135 £, la TVA britannique doit être facturée, ainsi qu’une taxe d’importation d’environ 20 %.
  • Numéro EORI pour le Royaume-Uni (« UK EORI ») – Le vendeur doit informer les douanes belges qu’il exporte des biens vers un pays extérieur à l’UE au moyen d’une déclaration d’exportation. La Commission européenne exige que les acteurs économiques qui entrent en contact avec les douane s’identifient à l’aide d’un numéro EORI (= « Economic Operator Registration and Identification »).
  • Codes SH pour les marchandises expédiées (« système harmonisé ») – Comme pour tous les envois quittant l’UE, chaque colis à destination du Royaume-Uni doit avoir son code SH, qui indique aux douanes le type de marchandises qu’il contient.

Si vous vendez par le biais d’une plateforme numérique – qu’il s’agisse de votre propre e-boutique ou d’une place de marché en ligne –, il est important de vérifier soigneusement quels accords ont été conclus dans le contrat. Faites tout spécialement attention aux accords sur le transport, aux documents d’exportation, aux douanes et à la TVA. Toute expédition de marchandises vers le Royaume-Uni doit désormais transiter par les douanes.

Perfectionnement actif

Dans le cas qui est parvenu à notre connaissance, l’entreprise avait noué un excellent partenariat avec un joaillier basé à Londres… jusqu’à ce que survienne le Brexit. Le joaillier proposait à ses clients de choisir des pierres précieuses et des modèles, il expédiait les pierres à Anvers, où elles étaient serties avec toute l’expertise voulue et selon le modèle sélectionné. Puis la création repartait pour Londres. Depuis l’application du Brexit, ce n’est plus possible. Un « blocus » qui semble ne s’appliquer qu’à la Belgique, seul pays européen doté d’un Diamond Office (une sorte de douane) par lequel les pierres entrantes et les bijoux sortants doivent désormais transiter. Si le joaillier londonien apportait lui-même les pierres en Belgique via la France ou les Pays-Bas, il n’y aurait aucune complication. Mais une telle démarche implique de tels coûts de transport que la rentabilité de la collaboration s’en trouverait compromise.
Une demande d’autorisation auprès des douanes sous la rubrique « perfectionnement actif » (PA) a été rejetée au motif que le risque de fraude était trop élevé.

Aujourd’hui, il n’existe pas de coordination, ni de cohérence entre les informations fournies par les différentes autorités (SPF finances, SPF économie, douanes, fédération des transports…), ce qui impacte sévèrement l’activité de certaines branches du secteur de la bijouterie/horlogerie. Cette situation n’est pas sans risque pour les acteurs concernés, car leurs interlocuteurs commerciaux finiront peut-être par chercher des solutions dans d’autres pays !