Portrait : Bernard louf – Un électron libre guidé par la passion

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Bernard Louf cultive une véritable passion pour l’univers des montres en général et de la haute horlogerie en particulier. Dire qu’il s’est bâti au sein de ce monde une carrière enviable est un euphémisme. L’homme a beau avoir pris officiellement sa retraite, Bernard Louf n’en continue pas moins de vivre au rythme des plus beaux garde-temps.

C eux qui ont eu le privilège de rencontrer Bernard Louf ont très vite découvert le lien passionnel qu’il entretient avec l’univers des montres. Plus qu’en fanatique, c’est en homme captivé par l’histoire et la haute technicité que Bernard s’intéresse à l’horlogerie. Cette expertise moissonnée au fil des ans lui permet d’approcher ce monde avec un œil critique et un esprit d’analyse, sans jamais rien perdre de son enthousiasme. Il l’avoue, il aime dévier des lignes : “Quand les autres tournent à gauche, moi je vais à droite. Quand les autres prennent des vacances, je préfère rendre visite à mes clients. Pas dans l’intention de leur vendre quelque chose, mais pour le plaisir du contact qui permet de nouer un lien plus fort.” En 1971, Bernard Louf tente sa chance en postalant chez Omega, est retenu et fait ses débuts, totalement “vierge”, dans le monde de l’horlogerie. La société installée place de Brouckère à Bruxelles distribue à l’époque, outre Omega, Tissot et les perles Mikimoto. Bernard fait ses premières armes dans le marketing – un concept encore très vague, un peu fourre-tout – avant de grimper les échelons jusqu’à devenir responsable des ventes, puis directeur de la marque Tissot. Lorsque l’affaire est reprise par Nicolas G. Hayek, Bernard devient directeur général pour l’ensemble des griffes et responsable de la centralisation des marques issues des divers organismes.

ALLER SON CHEMIN

L’an 2000 se révèle une année pivot à bien des égards. Bernard Louf entame un virage à 100 % vers la haute horlogerie. En 2000, Nicolas G. Hayek rachète Breguet, un événement mémorable pour Bernard : “On m’a demandé de faire rayonner la marque dans toute l’Europe du Nord et de partager mon temps à parts égales entre le Benelux, la Scandinavie et les pays de la Baltique”. Pas mécontent de sillonner au volant des milliers de kilomètres jusqu’en Scandinavie et sur le pourtour de la mer Baltique, Bernard se choisit une voiture fiable et confortable, surtout pas un véhicule bling-bling. “Je parcourais en moyenne 70.000 km par an. Ça me manque un peu,” reconnaît-il, “ces nombreuses heures passées à rouler, avec ou sans musique, avaient quelque chose de délassant. Cela me donnait le temps de réfléchir. Je me suis souvent laissé surprendre par la neige et le gel dans les pays du Nord. C’était chaque fois une expérience unique. »

‘MONSIEUR BREGUET’

Cet ‘assaut automobile’ lui a permis d’aborder de la meilleure façon les marchés locaux et de développer progressivement la marque Breguet. Dans son coffre, Bernard transportait de la documentation et du matériel pour les points de vente, ainsi que des échantillons de grande valeur ! “D’autres auraient préféré envoyer les montres par colis, mais le risque était alors de voir les contacts se distendre,” expose-t-il. “J’ai trouvé deux excellents revendeurs à Stockholm, deux au Danemark, un en Finlande et un en Norvège… et je les ai pour ainsi dire façonnés. Car il n’est pas évident de trouver les bons partenaires ! Ils doivent être passionnés par la haute horlogerie et sensibles à l’histoire des montres.” Dans ce domaine, un tout petit monde, le commerce est avant tout affaire de confiance : on n’ignore rien les uns des autres, de la marque d’une voiture à un lieu de résidence, en passant par les sites de vacances… “La confiance était telle que j’aidais volontiers à disposer les vitrines, voire à donner des conseils de gestion,” se souvient Bernard Louf. “En tant qu’importateur/agent de la marque, on a tout intérêt à ce que le client performe. Après tout, c’est votre produit qu’il vend !” Cette relation de confiance franchit parfois allégrement la frontière naturelle matérialisée par le magasin, celle qui sépare le client de l’importateur/agent de la marque. Cette proximité a valu à Bernard Louf le surnom de ‘Monsieur Breguet’, un titre de noblesse.

COMME SA POCHE

Quand Bernard Louf évoque le secteur horloger, jamais on ne croirait qu’il a pris sa retraite voici trois ans. “Il y a dix ans, on comptait encore deux mille points de vente, dont bon nombre vendaient à la fois des bijoux et des montres,” explique-t-il. “Aujourd’hui, on est retombé à 1300 ou 1400 magasins, plus spécialisés qu’avant. Dans ce secteur, 180 points de vente spécialisés réalisent à eux seuls 80 % du chiffre d’affaire global.” Comment affronter sereinement l’avenir ? Selon Bernard, il faut réduire l’offre en magasin et opter pour une sélection plus pointue. “Les petites boutiques sont appelées à disparaître. Seules resteront les meilleures. Si l’on veut perdurer, une seule alternative : soit accroître le volume de ses ventes, soit vendre à prix plus élevé.”

D’autant que les exigences des marques ne cessent d’augmenter : elles demandent la présence d’un horloger diplômé – certifié par la marque – pour l’entretien et la réparation de leurs montres, sans parler des investissements en termes d’équipement et d’appareillage technique. Et Bernard Louf d’appuyer son propos par des chiffres évocateurs : “L’année passée, la Suisse a exporté pour 21,2 milliards de CHF, soit une hausse de 6,3 % du C.A. Mais on note en même temps une diminution de 500.000 pièces sur un total de 23 millions. Les montres d’une valeur de 2000 à 3000 euros ont vu leurs ventes augmenter de 6 %. Et celles de plus de 5000 euros, de 8 %”. “Le prix de vente moyen d’une montre automatique tourne autour de 5400 euros. Pour les montres suisses à quartz, comptez une moyenne de 600 euros pièce (+3 % d’augmentation), mais la Chine produit à elle seule un volume équivalent à 600 millions (sur les 900 millions produits dans le monde), avec un coût d’exportation moyen de 3 euros à peine !” Plus l’offre est importante, plus la pression monte, à la fois sur les prix et sur l’image des marques. Alors que, dans le même temps, c’est le segment premium qui en profite et croît le plus.

MONTRES MECANIQUES ET HIGH-TECH

“Aux 17e et 18e siècles, 80 % des techniques horlogères connues émanaient de six à sept pionniers”, nous apprend notre passionné d’histoire. “Depuis quelques années, on voit grimper la demande pour des montres mécaniques qui exigent beaucoup plus de technologie, de matériaux spécifiques et de durabilité, ce qui oblige les techniciens horlogers à se former toujours plus.” Le titane et le silicium sont en plein boom, car ils permettent de produire des éléments toujours plus petits, plus fiables et plus résistants. C’est notamment le cas du spiral, de l’ancre et de la roue d’échappement. Pour bien fonctionner, une montre mécanique a besoin d’être huilée. Or l’huile contribue à abîmer les rouages à cause de sa viscosité variable au fil des ans. Les nouveaux matériaux ne nécessitent qu’un strict minimum de lubrification, tout en étant capables de prolonger la réserve de marche.

‘GRAND COMPILATION’

Bien qu’il soit officiellement pensionné, Bernard Louf n’a en aucun cas tiré un trait sur le monde de l’horlogerie. Le secteur continue de faire appel à lui. Il a récemment donné des conférences intitulées “Philosophie du temps” et “Complications”… en les limitant à une heure chrono, chose peu évidente pour un érudit et un passionné tel que lui. Bernard planche en ce moment sur le programme des 50 ans de l’Omega Speedmaster Moonwatch Professional, dans le contexte de la conquête de la lune et de l’exploration de l’univers. “Les montres légendaires ont toujours été imaginées par des physiciens ou des mathématiciens,” souligne Bernard Louf. “C’est pourquoi je voulais une approche scientifique de la toute première montre qui a accompagné l’homme sur la lune.” Parmi ses autres projets dans les starting-blocks, celui-ci fait certainement des envieux. Nous voulons parler de la rédaction d’un lexique (en néerlandais) reprenant tout le vocabulaire précis, avec l’origine et l’explication des techniques, des mécanismes, des pièces et des matériaux composant les montres. Comme si cela ne suffisait pas, Bernard Louf envisage aussi d’organiser pour les professionnels du secteur des salons qui serviront d’outils marketing. Car notre homme entend examiner à la loupe le marketing de l’horloger joaillier. Amoureux des garde-temps d’exception, Bernard Louf avoue également un faible pour les bons vins. La quête, la découverte et la dégustation le guident en priorité. Sa préférence va aux blancs de Bourgogne et aux rouges du Bordelais, chéris et classés selon les règles de l’art, dans une armoire à vins de belle taille.

Bernard Louf
0475 76 69 60
www.bernardlouf-hautehorlogerie.eu
bernard.louf@telenet.be
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